Atelier avec l’Hôpital Notre-Dame
Printemps 2025

Printemps 2025
Contexte
Durant les mois de mai et juin 2025, une série d’ateliers de marionnettes s’est tenue à l’Hôpital Notre-Dame, à raison d’une séance hebdomadaire d’environ une heure. Ces ateliers visaient à favoriser l’expression artistique, la création de récits personnels et collectifs, ainsi que la participation sensible et ludique des personnes hospitalisées, à travers la manipulation, la fabrication et l’interprétation de marionnettes.
Intentions artistiques et pédagogiques
Les objectifs principaux de ce cycle d’ateliers étaient les suivants :
Une diversité d’espaces, une diversité de dynamiques
Les ateliers ont eu lieu dans quatre espaces distincts, chacun ayant façonné différemment la relation au corps, à l’objet et au groupe :
Cette alternance de lieux a enrichi l’expérience globale en adaptant les ateliers aux conditions physiques et émotionnelles des participant·e·s, tout en stimulant diverses formes d’engagement.
Une progression structurée et ouverte
Les premières séances ont été consacrées à la découverte sensorielle de la marionnette, en présentant différents modèles et en explorant les notions fondamentales de regard, d’intention, de mouvement et de respiration. Une posture d’observation et d’écoute a été adoptée avec les participant·e·s, notamment dans les cas où l’intérêt actif n’était pas immédiat.
Rapidement, les participant·e·s ont été invité·e·s à dessiner leurs personnages, à créer des silhouettes ou des visages sur papier ou styromousse, à inventer des objets et des décors. Le dessin a joué un rôle fondamental dans le processus : il permettait à chacun·e de projeter son imaginaire, de s’approprier la matière et de structurer les premières idées narratives. Ces créations étaient ensuite montées sur tiges, fixées à des sacs ou intégrées à des formes ombrées, selon la technique abordée.
Les techniques explorées comprenaient :
À travers ces formats, les participant·e·s ont progressivement acquis des compétences en manipulation et ont appris à donner vie à leurs personnages à travers des jeux de voix, de déplacements, d’entrées et de sorties. Le travail de construction narrative a été soutenu par des déclencheurs textuels pigés sur des cartes : mots, situations, objectifs ou émotions, qui servaient de base pour inventer des saynètes. Ces déclencheurs ont stimulé l’imagination et permis de créer des histoires de plus en plus riches, ancrées dans des expériences quotidiennes ou des mondes imaginaires.
Évolution des participant·e·s
Au fil des semaines, nous avons observé une évolution :
Le rôle de l’équipe d’animation, composée de la médiatrice, de membres du groupe de recherche et d’une personne pair-aidante, a été fondamental pour soutenir cette évolution. Par leur présence active, leur capacité à jouer avec les participant·e·s, à poser des questions, à écouter les propositions, ils et elles ont permis de tisser une dynamique d’échange et de confiance.
Ces ateliers ont permis d’ouvrir un espace de création partagée, valorisant les participant·e·s en tant que créateur·rice·s de récits. Par la marionnette, chacun·e a pu explorer de nouvelles formes de représentation de soi et du monde, développer son imaginaire et expérimenter le jeu collectif dans un cadre artistique ouvert, accessible et bienveillant.
Implication de l’équipe hospitalière, défis logistiques et pistes pour l’avenir
L’implication de l’équipe de l’Hôpital Notre-Dame a été un élément essentiel au bon déroulement de ce cycle d’ateliers. En particulier, la présence constante et active des pairs aidants a fortement contribué à créer un climat de confiance et de participation. Ces derniers ont su accompagner les participant·e·s avec attention et bienveillance, en les aidant à intégrer les consignes, en jouant eux-mêmes dans les improvisations, et en apportant une précieuse dynamique d’écoute et de solidarité. Leur générosité, leur ouverture et leur disponibilité à collaborer avec l’équipe artistique ont renforcé l’esprit collectif de l’expérience.
L’équipe du projet a également été chaleureusement accueillie par le personnel administratif et les intervenant·e·s des pavillons Mailloux et du Relais, qui se sont montrés disponibles pour aider à l’entreposage du matériel, la diffusion des informations et l’orientation des participant·e·s. Leur implication a démontré un réel souci de soutien logistique et d’ouverture à ce type d’initiative artistique dans le cadre hospitalier.
Cependant, des défis ont été rencontrés au niveau de la participation. Au départ, la tenue des ateliers le mercredi entrait parfois en conflit avec d’autres activités proposées dans les mêmes pavillons, ce qui limitait la venue de certain·e·s participant·e·s. Cette situation s’est nettement améliorée après le changement de jour vers le lundi et l’ajustement de l’horaire à un moment plus favorable, permettant ainsi à un plus grand nombre de personnes de rejoindre les ateliers.
Par ailleurs, le vocabulaire utilisé dans la communication des ateliers a parfois constitué un frein à la participation. Le mot « marionnette », pour certain·e·s participant·e·s, évoquait exclusivement l’univers de l’enfance ou semblait abstrait, voire peu engageant. Pour susciter davantage l’intérêt, l’équipe a progressivement adapté le langage en parlant d’atelier de création et de jeu, ce qui a permis de mieux rejoindre les participant·e·s en mettant l’accent sur l’expérimentation, la liberté d’expression et l’imaginaire.
Créer avec et par les marionnettes : une scène pour l’imaginaire citoyen
L’une des dimensions les plus marquantes de ces ateliers a été la place accordée aux participant·e·s en tant que créateur-trice-s à part entière. Dès les premières séances, la fabrication de marionnettes s’est affirmée comme une voie privilégiée pour extérioriser des imaginaires singuliers, souvent profonds et riches en résonances personnelles. Le fait de jouer avec un objet extérieur à soi — une marionnette en papier, un sac transformé, une silhouette d’ombre — a permis de déplacer les récits et les émotions, et d’ouvrir un espace de création libre et incarnée.
À travers ces figures animées, les participant·e·s ont composé des histoires portées par des conflits symboliques, des scènes de transformation, des rencontres, ou encore des réinterprétations de leur quotidien à l’hôpital et dans la vie personnelle. Le théâtre de marionnettes est ainsi devenu un espace d’expression indirecte, mais puissante, où chacun·e pouvait dire sans dire, mettre à distance tout en étant profondément impliqué·e.
L’acte de dessiner un personnage, de lui donner un nom, une voix, un objectif, un mouvement, a nourri un processus de reconnaissance : chaque personne se découvrait capable de créer un univers, de raconter, de mettre en scène. Les techniques proposées — marionnettes de papier, marionnettes à sac, à gaine, théâtre d’ombres — offraient autant de formes que de manières d’entrer dans le jeu. Le simple fait de manipuler un objet, de le faire parler, de le faire exister dans une séquence dramatique, suscitait chez les participant·e·s une posture de jeu active, expressive et affirmée.
Au fil des séances, on a pu observer une évolution dans la prise de parole, dans l’appropriation des gestes et des voix, dans la capacité à inventer des histoires toujours plus nuancées, riches en symboles et en détails. Ce développement était aussi lié à l’approche individualisée de l’équipe, qui a su s’adapter aux rythmes, aux besoins et aux envies de chacun·e. Des stratégies d’accompagnement personnalisées ont été mises en place, notamment à la suite des premières rencontres, afin de favoriser la participation : ajustement des espaces, reformulation des consignes, valorisation des micro-gestes, création de rituels de début et de fin d’atelier.
Tout au long du projet, l’équipe de recherche s’est pleinement intégrée à l’expérience esthétique. En dessinant aux côtés des participant·e·s, en interprétant avec eux, en les accompagnant dans les processus de fabrication et de mise en jeu, les membres de l’équipe ont renforcé la dimension collective et collaborative de l’atelier. Cette présence active sur scène, dans l’espace créatif, a aussi facilité une communication plus fluide et plus attentive, en créant un climat de confiance, d’écoute et de co-création.
La marionnette, dans ce contexte, n’était pas seulement un outil d’animation ou de jeu : elle est devenue un langage visuel, sonore et gestuel à travers lequel chacun·e pouvait prendre la parole, se représenter, inventer et partager dans un espace commun.