Atelier de poésie de rue avec Exeko
Printemps 2025

Printemps 2025
Contexte
Le 4e atelier de l’année 2024-2025 a été mené en partenariat avec l’organisme Exeko, dont la mission est d’offrir des activités de médiation culturelle et intellectuelle. Celui-ci intervient, notamment, directement dans la rue, auprès des personnes vivant dans une situation d’itinérance, entre autres, avec leur camionnette du projet IdAction mobile.
L’atelier a pris la forme de 3 sorties de création avec deux médiatrices d’Exeko (Monica Mandujano et Valérie Richard), deux cochercheur.e.s de la Voix de l’art (Ève Lamoureux et Ney Wendell Cunha Oliveira) et une stagiaire (Margot Laverdant-Gradit).
Les sorties ont eu lieu en après-midi, les 22 et 29 mai, de même que le 5 juin. Elles se sont déroulées dans la rue à la sortie du métro Papineau. Lors des deux dernières séances, nous avons également réalisé une partie des activités au Centre de jour St-James dans le Centre-Sud de Montréal en mobilisant les participant.e.s présent.e.s dans leur local. Le St-James est un véritable milieu de vie communautaire, tissé au fil des années par les fréquentations régulières des personnes qui y trouvent un certain ancrage. On sentait entre elles une complicité, une mémoire partagée, une forme de solidarité du quotidien.
Activité artistique réalisée
Que ce soit directement dans la rue ou au Centre St-James, nous avons suivi la même façon générale de procéder. Dans la rue, nous nous installions, en ouvrant la caravane et en rendant accessibles les livres et le matériel de création et de réflexion qu’Exeko met à la disposition des gens de la rue – dans le centre de jour, nous avions une version de ce dispositif qui tenait dans un coffre roulant. Nous offrions également des boissons chaudes et des biscuits.
Aux personnes interpellées par notre dispositif, nous commencions par discuter tranquillement avec elles et eux. Ensuite, nous leur proposions de créer une poésie de trottoir en répondant à une question posée, soit en inventant les mots qui leur venaient, soit en choisissant dans ceux déjà imprimés. Une fois le (ou les) mot(s) choisi(s), la personne pouvait les coller sur une vitre transparente faite en plexiglas, puis placer cette vitre dans l’espace environnant pour prendre une photographie. L’aspect esthétique — transparence, arrière-plans urbains visibles à travers le cadre — a donné une richesse visuelle et poétique à l’activité. Ainsi se jumelaient les dimensions plastique et poétique du projet : le langage devenant matière, les mots devenant fragments à assembler selon une vision personnelle du monde.
Pour celles et ceux qui le souhaitaient, deux types de photos étaient possibles. La première, prise avec un appareil polaroid, comprenant souvent la création disposée dans l’environnement et la personne participante. Cette photo était remise à la personne participante pour qu’elle puisse repartir avec une trace de sa création. La deuxième, prise avec un appareil numérique, ne comprenait que la création. Les photos prises dans ce dernier cadre sont celles qui seront utilisées pour l’exposition à l’Écomusée du fier monde et dont nous en reproduisons ici certaines.
Quelques éléments à souligner
Une vingtaine de personnes ont participé à l’activité lors des 3 séances. Certaines ont pris plusieurs minutes pour réfléchir, écrire les mots et les placer dans l’espace, alors que d’autres ont complété le tout en 2 ou 3 minutes. Il est arrivé également que des personnes plus pressées nous aient simplement « lancé » leur réponse que nous avons nous-mêmes écrite, puis mise en espace.
À noter également que nous avons eu plusieurs conversations avec des personnes qui ne souhaitaient pas participer, mais qui prenaient le temps de jaser, de choisir un livre, de prendre un café avec nous. Ce dernier a joué un rôle important dans l’activité : il a été souvent prétexte à la rencontre, pause dans le rythme du quotidien, rituel de lien : en versant une tasse, nous créions une brèche dans l’anonymat. Plusieurs personnes ont d’ailleurs spontanément partagé des bribes de leur histoire, de leur quotidien, de leurs pensées — sans qu’on le leur demande.
Bien que très éphémère, l’activité a donné lieu à certains échanges riches, à plusieurs moments de rire (les gens étant un peu surpris par la proposition), et à des moments créatifs et poétiques. Nous acceptions n’importe qui qui entrait en communication avec nous, mais la très grande majorité des participant.e.s étaient des personnes vivant en situation d’itinérance ou de précarité résidentielle.
Exeko, sa caravane et ses médiateur.trice.s sont bien connu.e.s des gens de la rue et cela a grandement facilité la possibilité d’arriver ainsi dans les lieux explorés (abord du métro Papineau et la ressource communautaire) et de mobiliser des participant.e.s.
Deux questions ont été posées, les voici avec quelques-unes des réponses obtenues :
Qu’est-ce que, pour toi, le nous ?
L’ensemble qui va faire un
Les gens réunis
Mystère
Être ou ne pas être. To be or not to be
Interdépendance
One in Many, many in one
Tout sauf moi
Un ensemble, une communauté, la diversité
Un mouvement, une société
La candescence passant par les yeux de notre âme sœur et ceux que l’on croise laissant voir des galaxies guidées par les étoiles et les trous noirs
La laideur !, la beauté fait partie de nous, de la communauté
Nous inclut On
La 2e question a été posée à la fin de la séance 3, c’est pourquoi elle a obtenu moins de réponses. Nous la reposerons l’année prochaine.
Qu’est-ce que tu fais pour te sentir bien ?
Pensée positive en se levant le matin
De la bienveillance, de ma part, envers moi. De l’art à voir, à manger. La conviction que vivre peut améliorer.
Les activités ont été réalisées avec certaines orientations partagées :
La valeur de la conversation libre, de l’échange sans but imposé. Juste être là, jaser, écouter, être disponible à la rencontre. Cette posture respectueuse a favorisé la confiance et l’ouverture, en particulier chez des personnes souvent habituées à des relations d’aide très directives.
Le rythme calme et souple des médiations est un autre élément important. Il s’agit d’un temps non productif, dans le sens traditionnel du terme, mais profondément relationnel, qui ouvre potentiellement des possibilités d’échange significatif.
L’accueil ne se limite pas à un « bonjour » : c’est un geste incarné dans l’ensemble du dispositif — la camionnette, les livres, tablettes à dessin, crayons, le café, les sourires, la disponibilité. L’ambiance conviviale tend à favoriser la participation, à la rendre moins intimidante.
Les mots comme matière de pensée sont au cœur de l’activité. Ils servent de tremplins à l’expression, à la création, à la mémoire.
Enfin, la complémentarité des lieux (centre d’hébergement et espace public) a permis de toucher différentes réalités tout en maintenant une cohérence éthique et esthétique. L’art, ici, ne cherche pas à « occuper », mais à ouvrir un espace de parole, de lien et d’existence. Dans un monde souvent hostile ou indifférent à ses présences marginalisées, nous avons créé une activité qui déploie une présence poétique et humaine dans la ville – présence que tient de façon plus permanente Exeko grâce à ses différentes activités.