Atelier avec le CHUM à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM

Printemps 2025

Mise en contexte

Les ateliers d’arts visuels qui se déroulent à l’UQAM s’adressent à des personnes qui sont recommandées par les services de santé mentale, médecine des toxicomanies et infections virales chroniques du CHUM. Les ateliers sont animés par l’étudiant-artiste Gauthier Kriaâ et la coordination est assumée par Annie Auger, étudiante en création à la maitrise en arts visuels et médiatiques. Nous avons aussi bénéficié du soutien de la stagiaire Margot Lavenant Gradit. Les ateliers se sont déroulés les mardis après-midi de 13h30 à 15h30 du 22 avril au 10 juin 2025 dans un atelier de l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM. L’inscription des personnes à l’atelier se faisait par l’entremise des clinicien.ne.s du CHUM. Vingt-trois personnes se sont inscrites à l’atelier. De ce nombre, sept ne sont jamais présentées, certaines n’ont assisté aux ateliers que de façon sporadique, et enfin un groupe de huit à neuf personnes, majoritairement des hommes, a participé de façon soutenue.

Description des ateliers/nature des propositions

Les approches artistiques et pédagogiques préconisées visent à mobiliser des personnes dont la vie est complexifiée par des difficultés reliées à la santé mentale, la toxicomanie et la pauvreté. Les projets de création s’articulent autour de pratiques artistiques contemporaines et résonnent avec deux concepts de la recherche, le rétablissement et la citoyenneté culturelle. À partir du thème général Tisser nos vies, les ateliers ont pour but de stimuler la créativité individuelle et collective et ainsi créer un espace de liberté, de réflexion, de rencontres et d’échanges constructifs entre les personnes participantes.

L’espace physique de l’atelier est organisé de manière que les personnes puissent socialiser tout en respectant le fait que certaines d’entre elles ont besoin d’être dans leur bulle. L’accueil est individualisé, bienveillant et chaleureux. Les ateliers sont co-conçus par l’étudiant-artiste en collaboration avec la chercheure responsable du site, la coordonnatrice et la stagiaire. La séquence de chaque atelier se déroule en trois temps : 1) présentation d’œuvres d’artistes qui résonnent avec la proposition de création, visionnement d’un tutoriel ou démonstration de la technique utilisée ; 2) réalisation ; 3) retour réflexif sur l’atelier avec les participant.e.s.

Des projets relativement simples ont été proposés dans les deux premières séances afin de faire connaissance avec les personnes qui allaient s’y présenter (intérêts, expériences, habiletés motrices, sociales, cognitives, etc.) et aussi afin de construire un groupe plus stable. L’atelier Fragments de vie. Coller, assembler, rassembler a été consacré au collage. Pour stimuler la réflexion sur le thème, les questions mobilisatrices suivantes ont été posées : dans une journée, habituellement, quel est votre moment préféré ? Au quotidien, qu’est-ce qui vous affecte ou vous indigne ? Qu’est-ce qui vous fait rire ou sourire? Parmi ces fragments de vie, lesquels vous inspirent pour le collage ? L’atelier Tamponville : réimaginer la ville ou son quartier, était centré sur la création d’un vocabulaire formel par l’exploration d’une technique d’impression au bloc. Les personnes présentes étaient invitées, en imaginant qu’elles en avaient le pouvoir, à transformer certains aspects de leur quartier ou de leur ville.

Les projets artistiques proposés dans les trois ateliers suivants voulaient contribuer à la construction ou à l’approfondissement de liens sociaux entre les personnes. Le premier, selon la méthode du « cadavre exquis », encourageait la collaboration en binôme. Plusieurs postes d’exploration de la technique du frottis ont été installés dans le local et les personnes présentes réalisaient une image par superposition de trames colorées. Le dialogue entre les personnes présentes était également encouragé par l’intervention artistique sur l’image de la personne assise à côté d’elles. L’atelier Les chimères était présenté comme un mélange, un tissage et une transformation de quelque chose qui existe, en s’inspirant de la mythologie et du travail d’artistes contemporains qui explorent l’ombre et la lumière (Lorna Simpson, Geoffrey Farmer) ou qui jouent avec l’ombre projetée sur le corps ou sur les objets (Hugues Reip, Manon de Pauw). Chaque personne créait d’abord sa propre chimère dont l’ombre était projetée au mur afin de générer de nouvelles images. Le travail se poursuivait par une mise en commun des formes permettant d’explorer l’effet des ombres qui se superposent et menant à la cocréation d’une installation collective.

Le thème Portrait et autoportrait : images et objets de fierté s’est aussi déroulé en deux séances. Les participant.e.s étaient invité.e.s à apporter un objet ou des images faisant leur fierté et avec lesquels et ils.elles souhaitent être photographié.e.s. Cet atelier se voulait une occasion pour les participant.e.s d’aborder un sujet plus personnel, de manipuler du matériel photographique professionnel et d’explorer un dispositif de projection dans l’espace à partir de leurs propres photos, dessin, peinture, etc.

Nous voulions terminer la série d’ateliers en beauté en proposant aux participant.e.s de voter pour une des trois propositions suivantes : 1) superpositions de portraits ; 2) la main paysage ; 3) fin festive : des feux d’artifice dans les mains. Le thème trois a été adopté de justesse et s’est intitulé Feux d’artifice : célébrer d’être ensemble. Des images réalisées par les participant.e.s ont été transformées par le stop motion qui est une technique d’animation apparue dès les débuts de la photographie.

Quelques points saillants

  • Les personnes participantes aux ateliers sont engagées dans un processus de rétablissement. Leur parcours est parsemé d’embûches, de défis à relever, voire de reculs. Leur engagement dans les ateliers et plus précisément dans les projets qui leur sont proposés ne peuvent s’actualiser que s’ils sont portés par un accueil chaleureux, un accompagnement pédagogique bienveillant et constructif ainsi que par la création progressive d’un lien de confiance.
  • La mise en œuvre de projets de création à visée sociale implique de soutenir les membres de l’équipe de recherche qui ne sont pas tous.tes familier.ère.s avec ce type de pratique. L’écoute et le respect des expertises artistiques et professionnelles de chacun.e et une démarche d’analyse réflexive ont servi de levier au développement de propositions de création que l’on voulait enrichissantes et signifiantes pour les participant.e.s.
  • Nous avons proposé des projets dans lesquels les participant.e.s découvrent de nouvelles pratiques artistiques et sortent de leur zone de confort. Le projet Chimères, basé sur la création individuelle et collective, a permis d’amorcer, dans certains cas, collaboration et entraide, voire une négociation de l’espace où était installée chaque chimère. Ce projet a suscité des moments de plaisir, de satisfaction et de fierté.
  • Le projet Portrait et autoportrait : images et objets de fierté s’est avéré signifiant pour les participant.e.s malgré leur crainte initiale. L’objet de fierté a permis aux participant.e.s de se livrer tant sur leur histoire professionnelle, artistique que familiale dans un climat de confiance. L’appropriation de l’appareil photo a permis à certain.e.s de passer du rôle de sujet photographié à celui d’acteur-photographe. L’appareil photo est ainsi devenu un vecteur de communication entre certaines personnes qui avaient eu préalablement peu de contact.
  • Enfin, si le faire ensemble (cocréation) des membres de l’équipe artistique est une formule gagnante, la disponibilité et la collaboration des clinicien.ne.s du CHUM pour le recrutement sont tout aussi importantes, comme en témoigne le nombre de personnes qui nous ont été référées.